Une ouverture qui confine à la perfection
Vincent alias Carnattack pose son stylo, son clavier pour l'occasion. Un de mes plus fidèles potes de pêche, et pote tout court prend le relais. Le temps d'un article, le temps d'une ouverture diabolique.
" L' ouverture est toujours un moment
particulier dans le calendrier d'un pêcheur. Une période d'attente,
un compte à rebours qui s'égraine, lentement. On surveille le
niveau d'eau, on aiguise les hameçons, on affûte les cannes, on
s'impatiente. On rêve aussi, surtout. A des brochets qu'on a pris
ces jours là. Il y a vingt ans parfois. Mais dont le souvenir demeure
avec une précision qu'aucun autre ne recouvre ; dans ma
mémoire en tous cas. De brochets qui se sont faits plus rares.
Mais cette année, les deux mois qui
ont précédé cette ouverture ont été particulièrement
compliqués. Deux mois éloignés des rives et des berges. Deux mois de
sevrage total. Pas une brise sur l'eau, pas un coucher de soleil sur
la Loire à contempler. Le grand Rien.
Et puis le déconfinement est arrivé.
Enfin ! La délivrance. Et comme pour bon nombre de choses dont
on a été privé, la saveur de la re-découverte n'en est que plus
savoureuse. Autant dire que pour cette ouverture le résultat
importait peu. Sortir. Cela. Pas plus. Ce serait suffisant. Retrouver
ces eaux, qui ont passés sans nous, indifférentes au tumulte et à l'insignifiance des hommes. Nous n'avons pas manqué à la nature, c'est évident. Restait à savoir l'accueil qu'elle nous réserverait.
Rendez vous est donc pris pour ce
dimanche d'ouverture. Grosse amplitude horaire, météo estivale,
pétole de vent, casses croûtes et bonne humeur. Ca se présente
bien. Je passe donc chez Vincent comme à l'habitude. Retrouver son
pote de pêche après ces longs moments d'isolement, voilà qui
rajoute encore aux plaisirs annoncés. Petit café sur le pouce, une
non bise aux enfants, on atèle le bateau à la remorque flambant
neuve... et feu.
Nous avons porté notre dévolu sur le
bief d'un affluent de la Loire. La pêche en aval des ouvrages étant
interdite depuis quelques années (à mon grand désarrois) nous
pêcherons donc «le dessus » aux leurres. Pour le
menu : leurres souples et ...plomb palette !
Petit aparté technique de circonstance
ici. Le plomb palette que je qualifie affectueusement de méthode de
« manouche » consiste à animer de façon saccadée un
petit morceau de plomb triangulaire (coulés par nos soins) armé
d'un hameçon.
En gros, plus simple et plus
économique tu meurs ! Pas nés de la dernière pluie ces
gitans. La nage est on ne peut plus erratique, et cette « danse »
virevoltante semble avoir le don d'énerver frénétiquement certains
carnassiers.
Evidemment des gadji comme nous, n'ont
pas pu s'empêcher d'y rajouter des améliorations à base de minis
leurres souples et perles en tous genres.
Mais le principe est toujours le
même : tu pars au bord de l'eau avec trois bouts de ferraille
dans la poche et le soir tu te fais le barbecue à base de
filets de perches agrémentés de l'incontournable hérisson farci (si tu poses aussi des collets dans les sous bois).
Bref, je ferme la parenthèse
technico-ethnologique.
Mise à l'eau du bateau donc sur la
cale du barrage en amont. Un petit coup d'oeil sur le niveau d'eau.
Je l'estime à 0,12 mm , Vincent à 0,13 (On est jamais d'accord
de toutes façons) et on trace poignée en coin jusqu'au barrage
suivant.
On coupe le thermique et arrivée en
douceur au moteur électrique.
C'est à partir de ce moment que tout
va s'enchaîner . On attaque tous les deux au plomb palette :
octopus pour l'un, leurre souple pour l'autre. L'atout majeur du plomb
palette étant de prospecter rapidement pour savoir si le poisson est
actif. Réponse immédiate. Premiers lancers et les poissons
s'enchaînent. Des sandres entre 20 et 50cm . Les premiers de la
saison. Les touches au plomb palette sont d'autant plus agréables qu'elles interviennent souvent au moment où il se retrouve en inertie
entre deux animations. C'est sec, c'est franc : ça fait plaisir !
7 ou 8 poissons rejoignent déjà le
vivier du bateau. On les garde un peu. Pour les observer
surtout et aussi pour pas trop les relâcher sur le poste.
Ensuite les touches s'espacent progressivement et Vincent réagit immédiatement. Sa deuxième canne est toujours
prête (armée d'un leurre souple en 7gr) et je pense que ce jour là, il aurait bien pêché avec les 2 en même temps.
Récompense immédiate elle aussi :
un magnifique sandre de 70cm vient compléter le tableau et nous
confirme les limites du plomb palette qui doit finir par rebuter les
sandres lassés de cette musique (Même si je décroche aussi un beau
poisson en insistant).
Tout aurait du s'arrêter là. La
pêche était faite. Le plaisir était immense. Mais c'était sans
compter sur l'improvisation du moment. Je vois en effet Vincent trifouiller
dans sa sacoche pour en ressortir un des leurres les plus improbables
qui soit : sa maudite écrevisse ! Un leurre auquel j'ai
jamais cru. C'est atrocement laid en dehors de l'eau et je ne
lui ai jamais vu attraper un poisson avec. Mais il m'a souvent dit
qu'il avait eu de bons résultats dans des conditions particulières.
On sait aussi ce qu'on dit des pêcheurs et de leurs légendes...
Premier lancer précis au cul du
barrage, pose au fond pour tenter d'imiter la nage du maudit animal,
animation sèche et … badaboum : grosse touche, gros ferrage,
combat dantesque et un brochet de 70cm vient, lui aussi, rejoindre ses congénères. Epique.
A peine décroché Vincent relance sur
la même zone. Touche ratée. Relance. Même embrouille.
Insiste et … re-badaboum ! Un combat violent s'ensuit qui
laisse augurer un très beau poisson et qui ne manque pas d'attirer
l'attention de 2 barques présentes sur le poste. La finesse du
montage et de la canne auront contribué à surestimer la taille mais
c'est encore un brochet de plus de 70 qui rejoint le bateau.
Magique.
Pour la suite et comme souvent, les
barques alentours viendront jouer les « suces-boudins »
comme dit notre pote Jean seb du Morbihan. Pour nous la messe était
dite.
Bilan : une quinzaine de sandres dont un de 70 et deux
splendides brochets qui viendront certainement nourrir les rêves de
nos prochaines ouvertures.
La nature nous a tout offert ce jour
la. Je ne sais pas si nous le méritons vraiment. Une journée
exceptionnelle dans un contexte peu ordinaire. Une journée
loin du monde. Ou tout est oublié. Ne reste que ce virus tenace,
violent, incurable... de la pêche. Qui nous tiendra encore longtemps
debout. Au bord des eaux qui passent."
HUGUES
Au top les gars et bravo pour le texte Hugues !
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