Le Roi

Le jour se lève en ce dimanche, avec une légère brume. Dans le calme, nous avalons notre café, nous chaussons les waders et nous fignolons les derniers détails, histoire de mettre un maximum de chances de notre côté.

Nous partons à pied en direction du Scorff. Seuls les craquements de branches mortes sous nos pieds sont audibles. Pour le reste, un temps bas, pas de pêcheurs en vue et une eau qui s'est légèrement teintée avec les pluies de la nuit. Côte à côte nous nous enfonçons dans la forêt. Je crève le silence avec une question anodine:

"- Tu ne t'arrêtes pas là?

- Non, mais pêche toi si tu veux!

- Pas de refus, on se rejoint plus haut à ce moment là?

- Yes, à toute"

Christian ne le sait pas encore mais il n'aura pas le temps de tremper son fil ni même de rêvasser.  Quelques foulées plus tard, je lui lance un appel d'urgence. Il me faut du renfort, j'annonce un poisson, LE poisson même!!!! La suite en photo, avec ce poisson mythique que je rêvais de saisir entre les mains.

Au deuxième lancée, sur un plat pas spécialement sexy, sort une masse sombre... il se saisit du leurre rageusement et les premiers rushs interviennent. Un moment de mou puis en bordure, retour aux hostilités. Je l'ai vu le garçon, autant vous dire que la pression monte et un décroché me vaudrait de longs, très longs remords. C'est un saumon, un bécard plus exactement! Malgré des berges peu accueillantes et sans épuisette, nous parvenons à hisser le poisson au sec.  Quelle bête magnifique... nous accélérons un maximum la cadence pour le remettre à l'eau. Ces poissons sont fatigués alors autant leur épargner une séance d'apner trop longue. Il repartira après une séance d'oxygénation. Quel bonheur d'avoir croisé son chemin lui qui a fait quelques milliers de kilomètres pour en arriver là!!!!

Je resterais toute la journée sur mon petit nuage breton, le sourire vissé aux lèvres. Poissons ou pas, l'essentiel a été fait, j'avale donc les kilomètres de berge, fatigué certes, mais sans froncer un sourcil. Les résultats peu convaincants de la journée auraient pu être balayé d'un revers de main si je n'avais pas raté, je vous le donne en mille, un deuxième saumon. Incroyable mais vrai! Callé là encore sur un plat, derrière 3 pierres visiblement sans grand intérêt, il se jeta sur ma cuillère au premier passage. Surpris, je n'ai pas réagi, laissant le saumon repartir d'où il venait. Dans les instants qui ont suivi, les passages frénétiques de mes cuillères et autres leurres à bavette n'auront pas raison de ces nerfs. Il ne bougera plus, collé à ce petit bout de caillou. Monsieur Le Roi, j'ai nommé Monsieur le Saumon, ce coup-ci, n'a pas voulu nous gratifier d'une séance photo supplémentaire et c'est très bien comme cela. C'est la magie de la pêche avec ces lots d'incertitudes.